La réalité sublimée de Sébastien Nagy
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Sébastien Nagy
Il a voyagé dans un nombre de pays équivalent à celui de ses années. En remportant le concours de l’Aerial Photography Awards of the Year 2020, Sébastien Nagy, jeune trentenaire, s’est hissé dans la cour des grands mais garde toujours les pieds sur terre. Car c’est son appareil photo qui vole et ramène, sous ses instructions précises, des clichés étonnants. Pour réaliser de si belles images, cet autodidacte associe passion, organisation, talent de graphiste et patience de l’artiste pour délivrer sa vision inédite de lieux souvent touristiques. L’instant décisif ne lui fait pas croire au hasard et la géométrie de ses cadrages fait son œuvre.
Pourquoi avoir associé photographie et voyage ?
Avant de m’intéresser à la photo, je voyageais une fois par an avec mes potes pour surtout faire la fête. En 2015, lorsque j’ai démarré la photo à Bruxelles et en Belgique, j’explorais des endroits pour ramener des images, avec des points de vue différents, qui se démarquaient des photos classiques connues, en montant sur les rooftops. Puis j’ai débuté mes premiers citytrips à Stockholm, Copenhague, Paris, Amsterdam en débusquant des billets d’avion pas chers et des bons tuyaux. La photo m’a ouvert à des cultures différentes. J’ai eu envie de continuer. La plupart du temps, mes voyages sont très organisés pour ne pas perdre de temps. Je repère les lieux, qui me semblent posséder un potentiel, sur Google Earth ou sur Instagram. Mots clés et articles me permettent de faire un premier repérage.
Vous ne laissez rien au hasard ?
Au cours d’un voyage, je peux aussi découvrir un endroit que je n’avais pas remarqué sur internet, comme l’hôtel Park Royal à Singapour, avec sa façade végétalisée, plantée de palmiers. Récemment, je suis allé dans les Pouilles en Italie et finalement je suis resté plus longtemps que prévu en explorant 4 régions. Je réalise un travail de photos commerciales pour un client et j’en profite pour explorer la région et produire mes propres images.
Techniquement comment procédez-vous ?
Mon appareil photo est fixé sur le drone que je pilote avec une télécommande. Grâce à une application téléchargée, je peux obtenir le retour vidéo des images capturées. Les réglages sont possibles comme lorsque vous tenez un appareil dans vos mains. Ensuite, le travail de postproduction sur mon ordinateur me permet de recadrer les photos, d’intensifier les couleurs et la lumière, d’accentuer les ombres. La partie consacrée à la retouche numérique, où je mets ma pâte, est essentielle et peut durer des heures. Le cadrage donne cette notion d’infini et fait ressortir la beauté du paysage qui devient surnaturel. Ainsi pour la photo des deux pyramides, capturée dans la brume et le même alignement, j’ai joué avec les couleurs qui étaient fades et grises, en accentuant le ton rose orangé et les ombres. J’ai gommé les personnages présents sur les clichés d’origine. Mais l’architecture et le paysage n’ont pas été transformés.
Lorsqu’on isole un élément avec un cadrage particulier et différent, la perception du lieu change. Le parti-pris de cet élément devient un tout avec l’imagination du spectateur. Par contre, aux Emirats arabes unis, j’ai photographié des habitations avec une typologie identique et la photo laisse croire qu’elles se multiplient à l’infini alors que l’image reproduit seulement un pâté de maisons… En accentuant les caractéristiques graphiques de l’image et en choisissant un angle différent, le lieu est transcendé voire méconnaissable par rapport aux images de carte postale.
Comment voyez-vous l’avenir de cette activité ?
Aujourd’hui, je voudrais passer à une autre étape. Mon travail commence à être connu grâce aux réseaux sociaux et à la prospection spontanée que j’ai faite auprès des marques. En envoyant 100 mails, on reçoit parfois 10 réponses. Je travaille régulièrement pour des chaînes d’hôtel. Mais désormais, je voudrais obtenir aussi des budgets pour financer mon travail personnel avec d’autres voyages.
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