Les morilles belges, ce précieux cadeau du printemps ...
Mots : Servane Calmant
Rien ne prédestinait le tandem d’amis Arnaud de Mérode et Géraud d’Oultremont, rejoint par Guillaume Coppée, à devenir les pionniers de la production de morilles fraîches, artisanales et bio, en Belgique. Rien, sauf une même passion pour les beaux produits et cette boutade lancée comme un défi : « On ne va quand même pas laisser faire les Chinois ! » Mars 2021, la première grosse récolte de morilles belges sort de terre. Livraison, dans la foulée, dans les restos gastronomiques (pourvu qu’ils rouvrent !) et épiceries fines du pays.
Deux fermes d’un hectare chacune, quelque part dans les deux Brabants, pour ne fâcher personne, sont destinées à produire de façon artisanale et naturelle, des centaines de kilos d’un des champignons les plus appréciés des gastronomes … But avoué de la jeune société Belmorille : devenir les pionniers en Belgique, puis en Europe, de la culture de morilles, en raflant la mise aux Chinois, passés maîtres dans la production (industrielle, on s’en doute…) du fameux champignon. Eh oui, ce sont les Sichuanais qui ont réussi les premiers, après 20 ans de recherches, à trouver la bonne méthode pour obtenir des rendements réguliers … Comment déjouer leur mécanisme de domination ? Eléments de réponse avec Arnaud de Mérode : « D’une manière très informelle, Géraud me signale qu’il a lu dans un magazine que les Chinois produisaient des morilles ! Déjà qu’ils font des truffes qui n’ont aucun goût ! (rire) Par bravade, nous nous sommes alors promis de maîtriser la culture de la morille. Encore fallait-il se démarquer ! Les Chinois produisent des morilles industrielles, un produit pas bon mais pas cher ; on a décidé de prendre le contre-pied de leur stratégie : l’élevage artisanal, qualitatif, bio … ». C’est le début de l’aventure Belmorille.
Le savoir-faire belge
Géraud d’Oultremont vient du monde de la finance et de la gestion de patrimoine, Arnaud de Mérode affiche un profil marketing/commercial. Mais les deux épicuriens ne rechignent nullement à enfiler les bottes en caoutchouc par amour des bons produits ! En investiguant le marché de la morille, ils découvrent l’existence d’un projet pilote initié par le labo de recherche Biohainaut: la maîtrise du processus de production in vitro des morilles. C’est une vraie prouesse scientifique mais le projet moins rentable qu’espéré est enterré ; reste que le savoir belge est bel et bien là ! Parallèlement, le tandem d’amis part à la rencontre des Français de France Morilles, détenteurs d’un brevet chinois, et leur propose un échange de connaissance. Tu me dis comment on produit les morilles en pleine terre, je te dis tout sur leur production en salle. Bien vu. D’autant que la Région wallonne, séduite par le potentiel des débouchés économiques de Belmorille, va les soutenir : via des chèques technologiques, Géraud et Arnaud se connectent à des professeurs et des chercheurs en agronomie de la Haute école Condorcet, à Ath. « Percer le secret des morilles pourrait ouvrir la porte à la culture d’autres champignons comme les bolets, les cèpes ou les girolles … » Entreprendre, toujours entreprendre.
Mars 2021, le tournant
L’aventure Belmorille est une franche réussite, ponctuée de rire, de rage contenue aussi. Arnaud de Mérode et Géraud d’Oultremont et, rejoint par Guillaume Coppée (formé aux méthodes de maraichage traditionnelles) et tout récemment par un quatrième larron (Arthur Lhoist, patron des restaurants Tero), espéraient en effet pouvoir se lancer en 2020. C’était sans compter sur les tempêtes Ciara, Denys et Ellen qui n’ont pas fait de cadeau à leurs installations. Et que dire de ces satanées limaces ! « On a testé de nombreux remèdes de grands-mères, notamment répandre des cendres autour des serres, en vain. Finalement, nous nous sommes résolus à accepter que les limaces mangent une part de notre production ! »
La première grande récolte, on y est : mars 2021. Arnaud de Mérode avoue prendre plaisir à mettre les mains dans la terre pour faire pousser les morilles de façon totalement naturelle. « On propose du qualitatif pour se différentier de la production chinoise. Pour rester compétitif sur ce marché, il fallait proposer un produit local supérieur. Une démarche qui fait de surcroit écho à notre envie de mettre en avant le terroir belge, le travail de la terre et le circuit court ».
Si la Covid19/21 est (enfin) maîtrisée, les morilles belges devraient s’inviter à la table des enseignes gastronomiques (Bon Bon, Le Chalet de la Forêt …). « On va également écouler notre récolte dans les meilleures épiceries fines du pays (Rob e.a.), dans les magasins bio (Färm, notamment), sur certains marchés, plus la vente aux particuliers en direct. On compte de toute façon réduire la perte de production à zéro : si personne ne nous achète la récolte 2021, on la sèchera, tout simplement ! »
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Old Boy à Flagey – Le pop-up thaïe-brasserie inédit
Depuis novembre 2024, Old Boy révolutionne la scène bruxelloise chez Chez Marie, mêlant brasserie…
La famille Niels – « Les clients qui nous remercient de faire vivre Bruxelles nous rappellent chaque jour pourquoi nous faisons ce métier »
En 1924, Joseph Niels invente le filet américain. Le livre Rendez-vous chez les Niels célèbre un…
La Butte aux Bois – Centenaire d’une élégance champêtre
La Butte aux Bois, situé au bord du Parc National Hoge Kempen, fête ses 100 ans en tant que premier…