L’Air de Rien
Mais quel talent !
Mots : Servane Calmant
« Vous devez avoir un CV long comme un jour sans fin, pour arriver à atteindre un tel niveau de savoir-faire ? » Le chef : « Je suis autodidacte … » Stéphane Diffels a appris sur le tas que la persévérance est la clé du succès. Une obstination au travail qui n’a jamais été un substitut à son incommensurable talent, loin s’en faut !
Depuis la fin juin, le restaurant « L’Air de Rien » (AR pour les intimes) jouit d’une nouvelle implantation. Que les habitués se rassurent : Stéphane Diffels, Malmédien d’origine, est toujours installé à Fontin dans la commune d’Esneux, mais il occupe désormais une ancienne ferme, sise sur la Place du Vieux Tilleul. Pourquoi chercher ailleurs le bonheur que l’on peut glaner dans son propre champ ? Alors, aux vieilles pierres de pays, le chef a fait rajouter un bâti contemporain et un sas d’entrée bardés de bois et d’éléments en acier : la juxtaposition des styles fait mouche, et la future terrasse laisse présager un savoureux été 2021 …
Dedans, des murs d’argile, des tables bien espacées, une déco élégante, et une baie vitrée sur une cuisine pimpante qui attise tous les regards. Où est la carte ? Il n’y en a pas ! Le parti pris du chef est celui du menu unique surprise, qui incite à se laisser guider et à lâcher prise …
Sur le grill du chef
Le radis épouse le beurre, la carotte s’aime laquée et la brioche fourrée de groseilles à maquereau se couvre d’une neige de foie gras. La barbue et sa mousseline nous affolent, le risotto de pommes de terre, coques au feu de bois (la maîtrise du feu, un art !), poutargue maison, caviar belge, nous confortent dans l’idée que le chef a des idées à revendre. Son jus de persil mérite une salve d’applaudissements. Quand vient la langoustine cuite minute à table dans un bouillon de poule et eau de tomate, on le savoure jusqu’à la dernière goutte. Le bœuf limousin sur le grill et son cassis fermenté nous enchantent, et le canard, savoureux à souhait, son butternut, sa groseille fermentée montée au foie gras et sa betterave brûlée épluchée jusqu’au cœur, nous emballent sans retenue. La glace à l’oseille avec son granité d’aneth est une découverte où l’on saisit enfin pleinement la notion jusque-là assez floue d’orgasme gustatif…
Oui, vous avez bien lu : poisson, viande, légumes, tout passe sur le grill ! Le chef est un inconditionnel de la cuisson au feu de bois. Mieux : l’odeur du feu de bois, c’est son parfum préféré. « A contre-pied de la gastronomie moléculaire, de la cuisine à basse température ou sous vide, je défends la cuisson naturelle, la plus proche de l’homme, en opérant un vrai retour aux sources. » Un sacré défi ? « Il a fallu apprendre la cuisson au feu, mais aussi la gestion du feu et des braises. Au début, je travaillais avec une sonde de cuisson, aujourd’hui tout se fait au doigt et à l’œil – rire ! ».
La persévérance comme moteur
Avant d’ouvrir « L’Air de Rien », Stéphane Diffels travaillait dans un supermarché de la région. Fort heureusement pour nous, il n’a jamais eu l’intention de faire carrière dans la grande distribution ! « J’ai commencé la cuisine à 35 ans – j’en ai 47 aujourd’hui -, en investissant toutes mes billes dans « L’Air de Rien ». Il fallait que je réussisse mais, croyez-moi, j’ai beaucoup appris de mes erreurs et je n’ai jamais eu peur de me dépasser. Ado, vers 16-17 ans, j’ai été champion de Belgique d’athlétisme. L’acharnement, ça me connaît ! », nous confie-t-il.
Persévérance et talent conjugués, force de caractère et concrétisation d’envies soudaines (la cuisson au grill sur bois de hêtre a été adoptée par le chef tout récemment), produits du terroir sublimés et élégance des assiettes : Stéphane Diffels, forte personnalité, et toute son équipe (Sophie Pierret et Bertrand Stiennon en cuisine, Cedric Meers et Jeremy Pondant en salle) méritent une première étoile Michelin ! C’est notre avis, et beaucoup le partagent. « Le Gault&Millau m’a accordé un 16/20 il y a quelques années, mais une étoile au Michelin, ce serait évidemment une belle reconnaissance ! Aujourd’hui, ma plus grande fierté, c’est de voir que mes clients viennent de partout, de Liège évidemment, mais aussi de Bruxelles, d’Ostende, de Cologne et des Pays-Bas ! » Un tel engouement, voilà, l’air de rien, un signe qui ne trompe pas !
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