MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : MOHAMED HOUSSEIN
A 23 ans, il offrait une étoile au Va Doux Vent ; à 30 ans, c’est dans son propre restaurant qu’il nous reçoit. Stefan Jacobs est de retour sur ses terres de Gembloux, auprès des producteurs wallons qui défendent, comme lui, le beau produit. Avec sa compagne, Aurélie Leempoel, il a restauré l’ancienne ferme d’Ernage qu’il a baptisée Hors-Champs. Une adresse ambitieuse et généreuse (resto gastronomique, épicerie fine, chambres d’hôtes, grange événementielle) qui colle pile poil à son tempérament d’entrepreneur déterminé, à sa démarche locale, et à son caractère de chef – oups – point du tout conformiste ! Coup de cœur.
Il l’avoue d’emblée : « Nous, restaurateurs, avons un message à faire passer : consommer mieux et différemment.» Oui aux produits de saison en circuit court, non au gaspillage. Dans la cuisine de Hors-Champs, plus de 80 % de produits locaux et aucun produit transformé ! « On achète l’animal entier auprès d’un producteur wallon. Et on met un point d’honneur à maîtriser toutes les préparations de la viande : filets, cuisses, carcasse, bas morceaux, les jus, et évidemment les pâtés, terrines et boudins ! », précise celui qui fut étoilé à 23 ans, et qui est passé maître dans l’art de travailler le mono-produit.
« Nous, restaurateurs, avons un message à faire passer : consommer mieux et différemment ! »
Retour au fief
Sa première étoile, Stefan Jacobs l’a décrochée au Va Doux Vent à Bruxelles, son dernier projet éphémère, c’était SJ By Marie à Flagey, Bruxelles toujours. Pourtant la Capitale n’a pas su retenir le Wallon qui s’y sentait un chouia à l’étroit. « Après avoir travaillé à la Brasserie de Bertinchamps à Gembloux, c’était pour moi une évidence de m’installer ici ! Je rentre donc au patelin, là où j’ai tissé des relations privilégiées avec les artisans et producteurs du coin, et où je compte bien développer une entreprise de maraîchage pour cultiver des plantes aromatiques et des épices… ».
Il y a trois ans, Stefan décide d’acheter une grande ferme en carré du 19e, la ferme d’Ernage, à l’abandon depuis dix ans. Bingo ! « Il n’y a plus qu’à »… Qu’à la restaurer et ouvrir un restaurant gastronomique, qui sera également une vitrine des artisans locaux. Stefan retrousse ses manches – il est bricoleur -, se fait épauler des siens et de son équipe pour parachever les extérieurs – l’homme est fédérateur – et, puisque l’art de bien manger ne s’improvise pas, il fait appel aux meilleurs des artisans ! La ferme Baré livre la farine (Stefan cuit son propre pain, dans le four qu’il a construit lui-même), le centre horticole de Gembloux fournit les légumes, la Petite Campagne à Bovesse l’approvisionne en fromage, la Ressourcerie Namuroise à Saint- Gervais a restauré les fauteuils vintage que le couple a glanés ça et là, la Fabrique noire à Courcelles a créé des tables sur- mesure, Kim Verbeke de Cortil-Noirmont a fabriqué les céramiques…
Ça roule !
Stefan Jacobs a ouvert en octobre dernier, et le service en salle est déjà réglé comme du papier musique. Organisé mais jamais guindé. C’est la volonté du chef – pardon : de Stefan – qui a insufflé ce mood décontracté à son équipe. Alessia, la sommelière, nous aime bien : on vient de lui confier notre penchant pour les vins naturels – c’est aussi son dada ! « On a également inscrit des flacons belges à la carte et je vous réserve une surprise au dessert ! », parole de cidrophile ! Antoine, en salle, va nous surprendre en nous laissant le choix des armes : la coutellerie familiale Depireux à en effet réalisé pour Hors-Champs des couteaux dont les manches proviennent de 60 essences forestières différentes. Le détail qui tue : le nom de chaque bois est gravé sur la lame ! Dans la cuisine ouverte, la brigade s’active en silence, Stefan met la main à la pâte, dresse les assiettes – la mécanique est déjà rodée. Avec enthousiasme.
Au menu d’octobre dernier (qui change tous les mois), des produits de pleine saison : céleri-rave (en sorbet, lacto-fermenté, en mayo, en chips …), Saint-Jacques (snackées et en gyoza), chevreuil (en deux préparations) et un dessert autour de la pomme. Soit un mono-produit abordé avec savoir-faire, clarté et franchise. « J’aime travailler un seul produit. D’autres ingrédients viennent bien évidemment ponctuer le plat, pour amener une certaine diversité, mais sans jamais masquer le produit phare. L’objectif est tout simple : offrir une meilleure lecture de l’assiette ! Le client sait ce qu’il mange ; la complexité du plat est affaire d’assaisonnement », nous confie Stefan qui crée lui-même ses mélanges d’épices, à l’instar d’Olivier Roellinger, son mentor.
On l’aura compris, Hors-Champs, c’est plus qu’un restaurant, c’est (presque) la maison de Stefan et d’Aurélie, leur chez-soi, structuré en fonction de leurs envies, charpenté comme une vitrine des artisans avec lesquels ils ont noué une belle complicité. Et taillé, c’est une certitude, pour durer.
Stefan Jacobs a fait ses armes dans de belles maisons (Le Gastronome à Paliseul, Olivier Roellinger à Cancale, Le Sea Grill à Bruxelles), puis a décroché sa première étoile au Va Doux Vent à 23 ans, avant de poser ses couteaux à la Brasserie de Bertinchamps pendant deux ans. Il multiplie ensuite les pop-up (Autrement durant tout l’été 2017, puis chez Marie à Ixelles en 2018).
En novembre dernier, Stefan se pose, enfin, chez lui, à Ernage, près de Gembloux. Il l’appelle Hors-Champs : un resto gastronomique complété, dès janvier 2020, de quatre chambres d’hôtes, d’une grange pour accueillir des événements,
et d’une épicerie fine. To be continued…
Du tac au tac avec Stefan Jacobs
Le métier de cuisinier, une évidence ? La réponse fuse:«Oui!»
Chef ou patron ? « Patron, car j’ai un vrai esprit d’indépendant. Chef, non, je n’aime pas le service guindé et protocolaire des grandes tables. »
Les produits que vous préférez cuisiner ? « J’aime bien les produits tripiers, les abats, pieds de cochon, la queue de bœuf, les joues de porc… Des produits où il y a du travail, car ce ne sont pas des aliments qui mettent d’emblée tout le monde d’accord, il faut donc les rendre accessibles à tous les clients ! » Cervelas (maison évidemment), boudin noir à la cuillère et hure de cochon aux orties : les mises en bouche d’octobre ont mis tout le monde d’accord !
De quel produit ne pouvez-vous absolument pas vous passer en cuisine ? « Les épices » (Tiens, tiens, comme Olivier Roellinger, Breton triplement étoilé et mentor de Stefan Jacobs – ndlr)
Le plat de votre enfance ? « Le foie de veau poêlé. » Le dessert de votre enfance ? « La tarte au riz. » Vos influences ? « Mes producteurs wallons. »
Vin conventionnel, bio ou nature ? « Bio et nature, on n’a quasi aucune référence conventionnelle ! Et des vins belges, notamment du Château de Bioul. »
Votre plus belle rencontre gastronomique ?
« Olivier Roellinger. »
Si vous n’aviez pas été chef cuisinier ? « J’aurais été menuisier ! »
Une anecdote à partager ? « Chaque fois que j’entreprends quelque chose, mon entourage me traite de fou ! Tous les projets que j’ai développés dans ma vie professionnelle sont arrivés très tôt : j’ai eu une première étoile à 23 ans, et mon propre resto à 30. Je dois être né fonceur. »
HORS-CHAMPS – LA FERME D’ERNAGE
Ouverture du mercredi au dimanche, midi et soir.
Chaussée de Wavre 170 à Gembloux
T. : +32/494 42 77 95
info@hors-champs.be
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