Rencontrer Jacky Ickx, c’est rencontrer une légende du sport automobile mais pas que ! A 75 ans dans quelques semaines, l’homme ne remonte pas vraiment dans le temps mais dresse plutôt un tableau de remerciements tout en nuances positives.
MOTS : YVES MERENS
PHOTOS : TEDDY MAZINA
Comment débute semblable destin ? Jacky Ickx nous surprend : « Enfant, la course automobile n’était pas mon rêve. J’aurais aimé être jardinier, gardien de réserve ou quelque chose comme ça… Je n’aimais pas trop le bruit. Mon père m’a emmené voir un Grand Prix avec Fangio et je lui ai demandé de ne plus y retourner. »
Plus tard, c’est pourtant la joie du podium, le sien, qu’il découvre. « A l’école, le prof avait dit à mes parents : votre fils est si intelligent mais tellement paresseux. Manière de dire que j’étais un cancre. » Mais le destin sportif forge le futur vainqueur.
« Découvrir qu’on n’est pas mauvais dans quelque chose, c’est formidable. En sport automobile, il vaut mieux ne pas avoir peur. On a de la volonté, on gravit la montagne sans calculer. »
Celui qui utilise très peu le « je » pour préférer le « nous » se dit aussi miraculé.
« Le risque accidentel est élevé. Quand on est jeune, on se sent immortel. Mes parents m’ont soutenu, pourtant, ma mère avait peur tout le week-end ! » Heureusement, pendant trente ans de courses, les anges gardiens ont veillés sur lui.
Maître de la pluie
Evoquer la carrière de Ickx, c’est repenser à ses victoires au Mans, ou à celles en F1, et aussi à l’un de ses surnoms, « Maître de la pluie ». « J’ai fait cinq saisons de moto avant la voiture. Trial, vitesse pure, enduro, etc. C’est grâce à cela que j’ai bien roulé sous la pluie. Tout vient de l’équilibre acquis sur deux roues. Avec quatre roues, vous pouvez en mettre deux dans l’herbe, pas en moto. C’est une fameuse école. »
L’Union fait la force
Erudit, intelligent, fin, Jacky Ickx est aussi profondément attaché à son pays et aux sports, tous les sports. « La corporation des sportifs de compétition belges est extraordinaire. Nous avons été enviés par de nombreux pays, et nous le sommes encore, » et de citer, toutes disciplines confondues, une vingtaine de champions, dont Eddy Merckx, que l’on vient de fêter 50 ans après sa première victoire au Tour de France. « J’ai une admiration et une amitié profonde pour Eddy. Nous avons évolué en parallèle, dans deux mondes différents ». Et quand Jacky téléphonait à Eddy pour le féliciter le lendemain matin d’une de ses victoires à Paris-Roubaix, le Cannibale était déjà reparti à l’entrainement sur son vélo. « Il allait au bout de tout. Il faisait tout et était bon partout. Il gagnait presque tout. Quel homme ! » Un peu comme vous, Monsieur Ickx !
Impossible d’égrener ici toutes les courses et toutes les victoires remportées. Au sommet, Jacky Ickx courait plusieurs disciplines en même temps, F1, F2, 24h du Mans, Endurance, Tourisme.
« Tous les gens de mon époque ont fait ce que j’ai fait. Nous étions des Professionnel Freelance. » Oui, mais vous étiez quand même « One of the Great », un coup en Ferrari en F1, un coup en Ford GT40 au Mans,… « C’est vrai, mais c’est le résultat de la qualité des gens. En automobile, il faut un outil, une voiture performante. Et cet outil, c’est 80% de la réussite. Les 20% restants, c’est le pilote. Les gens qui créent cet outil dans l’ombre sont admirables, appliqués et perfectionnistes. Il faut leur rendre hommage. C’est facile de gagner quand on a une bonne machine, vraiment ! Le palmarès est directement lié aux bonnes personnes qui interviennent aux bons endroits, aux bons moments. »
Un virage dans le désert
Au tournant des années 80, Jacky Ickx roule en rallye-raid, et notamment au Paris-Dakar de Thierry Sabine.
« Cet homme a changé mon horizon. Avant, j’ai fait du sport auto comme sur un monorail. Concentré pour être le meilleur, avec un angle de vue étroit. La course en Afrique m’a fait découvrir deux choses : la course elle-même. On ne peut pas se raconter beaucoup d’histoires. On prend conscience de sa petite échelle humaine. Et puis, on découvre d’autres gens. On pense à 180 degrés et on voit, si on le veut bien, ceux que j’appelle les oubliés du monde ».
Aujourd’hui, Jacky Ickx voyage encore beaucoup. Il a visité l’Afrique avec son épouse, Khadja Nin. « Mes coupes sont dans des cartons et maintenant, j’essaye de renvoyer l’ascenseur à tous les invisibles qui sont tellement importants, qui donnent tellement de sens à nos vies. »
Belle leçon d’humilité et d’altruisme, merci Monsieur Ickx.
Le palmarès de ses 482 courses. Les plus beaux titres :
6 victoires aux 24h du Mans
Les plus belles :
• 1969 : Les pilotes traversent la piste en courant, sautent dans leur voiture et démarrent en trombe. Jacky Ickx, lui, marche posément, s’attache, et part bon dernier. « Je voulais sensibiliser au fait qu’il fallait s’harnacher avant de démarrer une course. » 24 heures plus tard, il passera quand même la ligne d’arrivée en première position.
• 1977 : Sa voiture tombe en panne. Il monte dans une seconde Porsche, exécute des tours d’anthologie de nuit, sous la pluie. Le record du tour de la piste tombe. Sa volonté transcende l’équipe jusqu’à la victoire. « Arriver à se sublimer, c’est magnifique. Cette fois-là, toute l’équipe s’est sublimée jusqu’à la victoire ».
Mais aussi :
• 114 Grand Prix de Formule 1, soit 27.367 kilomètres !
• 8 victoires
• 2 fois vice-champion du monde
75 Porsche « Belgian Legend Edition » pour fêter ça !
Pour honorer les 75 ans de Jacky Ickx, l’importateur belge a eu l’excellente idée de créer une 911 Carrera 4S « Belgian Legend Edition » très spéciale.
« J’ai roulé 10 ans avec Porsche, dit-il presque fièrement, je fais partie de leur histoire. Quel honneur ! »
Esthétiquement, cette très belle 911 se démarque par sa couleur « X Blue » identique à celle du casque de Jacky Ickx. Très classe aussi, la clé de contact de la même couleur arbore sa signature, comme la sellerie sur l’accoudoir.
Basée sur une 911 Carrera 4S, cette version a été développée par la maison mère, à Stuttgart, qui a ac- cepté ce défi. « Rien ne peut se faire sans l’accord de l’usine, livre notre connaisseur. J’y suis allé pour valider la couleur qu’ils me proposaient et pour régler les détails. »
A son volant, toutes les caractéristiques de Porsche sont transcendées. Richement dotée, cette 4S rassure son conducteur par sa transmission intégrale intelligente, appelée Porsche Traction Management, qui répartit la puissance sur les quatre roues en fonction de différents paramètres.
Elle peut aussi devenir bestiale. Son fameux moteur boxer 6 cylindres de 2.981cc développe 450 chevaux. Plusieurs modes de conduite sont activables. Gageons que c’est le mode Sport Plus qui ravira Jacky Ickx. Il est bluffant : la réaction du moteur, la rigidité accentuée du châssis, l’amortissement plus raide et les quatre roues directrices font entrer cette automobile dans une autre dimension pour filer au-delà de 305 km/h. Avec son système de départ automatisé, « Launch Control », elle accélère comme une bombe de 0 à 100 km/h en 3,4 secondes.
Celle de Jacky lui sera livrée dans quelques semaines. Quant aux 74 autres fabriquées, elles sont déjà vendues depuis longtemps.
On n’arrête pas une légende comme celle-là.
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